Thursday, November 17, 2011

Je formerai le monde

Le monde a une capacité originelle à être animé par moi — il est même animé a priori par moi — nous formons une unité. J'ai une tendance et une capacité originelles à animer le monde. Je ne puis me mettre en relation avec rien qui ne dépende de ma volonté, ou qui ne soit conforme à celle-ci. Par conséquent, le monde doit avoir une aptitude originelle à dépendre de ma volonté, à lui être conforme. Mon efficacité spirituelle, ma réalisation d'idées ne pourront donc pas être une décomposition, une transformation du monde, en tout cas pas en tant que je suis membre de ce monde-ci, mais ne pourront être qu'une opération de variation. Sans lui porter préjudice, j'ordonnerai, j'aménagerai et je formerai le monde — ainsi que ses lois, dont je me servirai.

Novalis, Fragments logologiques

Friday, November 11, 2011

Le progrès n’est qu’une idée fausse

L’humanité ne représente nullement une évolution vers le mieux, vers quelque chose de plus fort, de plus élevé au sens où on le croit aujourd’hui. Le progrès n’est qu’une idée moderne, c’est-à-dire une idée fausse. L’Européen d’aujourd’hui reste, en valeur, bien au-dessous de l’Européen de la Renaissance ; le fait de poursuivre son évolution n’a absolument pas comme conséquence nécessaire l’élévation, l’accroissement, le renforcement. En un autre sens, il y a constamment des cas isolés de réussite, dans les endroits les plus différents de la Terre et à partir des cultures les plus diverses ; cas par lesquels, c’est en fait un type supérieur qui se manifeste : quelque chose qui, par rapport à l’ensemble de l’humanité, est une sorte de surhumain. Semblables hasards heureux de grande réussite ont toujours été possibles et seront peut-être toujours possibles. Et même des races, des tribus, des peuples entiers peuvent, dans certaines circonstances, représenter de tels coups au but.

Friedrich Nietzsche, 1888